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Le Kremlin entend apporter, samedi 9 et dimanche 10 novembre, une nouvelle illustration du « monde multipolaire » qu’il veut promouvoir dans son face-à-face avec les Occidentaux, à l’occasion d’une conférence ministérielle sur le partenariat Russie-Afrique à Sotchi, sur les bords de la mer Noire. Des hauts responsables d’une cinquantaine de pays, selon les organisateurs, doivent prendre part à cette réunion.
Elle intervient après le sommet des BRICS en octobre à Kazan (Russie), où le président Vladimir Poutine avait voulu démontrer l’échec de la politique d’isolement et de sanctions engagée contre son pays par les Etats occidentaux après l’assaut russe en Ukraine en février 2022.
Depuis plusieurs années, la Russie, qui fut un acteur incontournable en Afrique à l’époque soviétique, place ses pions sur les pays africains, qui ne se sont pas laissé convaincre par l’Occident de s’associer à ses sanctions contre Moscou.
Des groupes de mercenaires russes comme Wagner, ou son successeur Africa Corps, soutiennent des pouvoirs locaux, et des « conseillers », selon Moscou, officient auprès de responsables africains. C’est notamment le cas en Centrafrique et, surtout, dans les pays du Sahel, où l’influence croissante de la Russie s’est accompagnée du déclin fulgurant de celle de la France.
En 2023, la Russie a livré pour plus de 5 milliards de dollars (4,6 milliards d’euros) d’armement en Afrique, selon l’entreprise publique russe Rosoboronexport. Et ses grands groupes s’intéressent de près aux matières premières de l’Afrique : Alrosa en Angola et au Zimbabwe (diamants) ; Lukoil au Nigeria, au Ghana, au Cameroun et en République du Congo (pétrole) ; Rusal en Guinée (bauxite)…
A côté d’une stratégie d’influence informationnelle, notamment sur les réseaux sociaux, Moscou poursuit le développement de son réseau de centres culturels, les Maisons russes, avec six ouvertures annoncées en septembre, en Guinée, en Somalie, en République centrafricaine et au Tchad.
Chargées, selon Moscou, de promouvoir la culture et la langue russes en Afrique, elles ont pour véritable objet de « diffuser les récits du Kremlin sur les événements internationaux », estime le chercheur Ivan Klyszcz, du Centre international pour la défense et la sécurité, en Estonie.
La rhétorique des organisateurs de la conférence Russie-Afrique à Sotchi, contre « le néocolonialisme » ou « la lutte commune contre la propagande occidentale », trouve de l’écho auprès d’une partie des responsables africains. Selon l’analyste politique russe Konstantin Kalatchev, beaucoup apprécient « ceux qui peuvent résister et donner un coup de poing aux Occidentaux », et voient Vladimir Poutine comme « bien capable » de tenir ce rôle.
Mais pour Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute de Dakar, une question demeure : « Est-ce que la Russie accorderait le même intérêt à l’Afrique si la guerre en Ukraine se terminait ? » Est-elle une « vraie priorité stratégique », ou un intérêt conjoncturel lié à son bras de fer avec l’OTAN ?
Au début de l’offensive de 2022 contre Kiev, quand la Russie imposait un blocus sur les céréales ukrainiennes en mer Noire, plusieurs pays africains avaient été sensibles aux arguments de Moscou, qui rendait les Occidentaux responsables des risques de famine, imputés aux sanctions.
Pendant les huit premiers mois de 2024, la Russie a exporté vers 25 pays africains 14,8 millions de tonnes de blé, soit 14,4 % de plus par rapport à la même période en 2023, selon les statistiques officielles. Mais, selon Bakary Sambe, « l’opinion commence à se déconnecter de ce narratif autour de l’Ukraine, d’autant que l’Afrique a trouvé des moyens de résilience face à la hantise d’une crise alimentaire et des céréales ».
Par ailleurs, entretenir un partenariat et souhaiter un développement des relations économiques avec la Russie ne signifie pas vouloir absolument rompre les liens avec les Occidentaux, comme le montre l’Egypte, qui reste un allié-clé stratégique de Washington.
La nature des liens avec la Russie a également suscité une controverse en Afrique du Sud, autre géant africain entretenant des relations historiques de proximité avec Moscou. Quand le président Cyril Ramaphosa a qualifié au sommet des BRICS la Russie d’« allié cher » et d’« ami précieux », le partenaire au sein du gouvernement de son parti, le Congrès national africain, l’a sèchement contredit : l’Alliance démocratique a assuré le 23 octobre qu’elle ne considérait « pas la Russie, ou Vladimir Poutine, comme un allié de notre nation ».
Le Monde avec AFP
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